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La longue histoire du thé, une boisson universelle

 



Une femme sert du thé avant la cérémonie inaugurant la réunion annuelle du Congrès national du peuple, à Pékin.
Une femme sert du thé avant la cérémonie inaugurant la réunion annuelle du Congrès national du peuple, à Pékin. | REUTERS/GRACE LIANG

 

L'annonce de la fermeture de l'usine Fralib, à Gémenos (Bouches-du-Rhône), a marqué l'année 2011. Cette affaire continue de connaître encore aujourd'hui des développements judiciaires. Ainsi, le rideau tombe sur la dernière usine en France qui produisait les thés Lipton et les infusions Eléphant, propriété de la multinationale anglo-néerlandaise Unilever.

 

L'implantation des usines fait l'objet d'un jeu de chaises musicales au niveau mondial. Ce phénomène n'est pas nouveau, il est inhérent au marché du thé depuis trois siècles. Boisson la plus consommée dans le monde - après l'eau -, le thé laisse parfois un goût amer.

Les Européens découvrent le thé dès le XVIIe siècle, quand les bateaux de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, la Verenigde Oostindische Compagnie (VOC), reviennent d'Asie les cales pleines de produits exotiques, comme le gingembre, la rhubarbe, la porcelaine ou la soie. Parmi ces marchandises, le thé se taille rapidement la part du lion.

Au tout début, c'est du thé vert qui provient essentiellement de Chine et du Japon. Mais l'empire du Milieu devient l'unique producteur quand le Japon décide de se replier sur lui-même. Le thé est alors expédié en jonques, des ports chinois vers Batavia (Djakarta, en Indonésie). Les bateaux de la VOC acheminent ensuite les marchandises à Amsterdam.

DEUX TIERS DES IMPORTATIONS EN PROVENANCE DE CHINE

Au début du XVIIIe siècle, de nouveaux concurrents taillent des croupières à la VOC. La Compagnie anglaise des Indes orientales (East India Company) établit un comptoir à Canton (Chine) à partir de 1711. Le cheminement du thé est alors plus rapide, de plus, les Anglais importent un thé qu'ils sélectionnent sur place, sans passer par Batavia. Les Anglais parviennent à damer le pion aux Hollandais à partir du milieu du XVIIIe siècle.

Le thé représente alors plus des deux tiers des importations en provenance de Chine. Trois variétés sont vendues aux Européens : le thé vert, le thé noir et le thé oolong. Ce breuvage se répand vite dans les pays européens et dans les colonies anglaises, notamment dans les treize colonies d'Amérique.

Un événement autour du thé va changer la face du monde. En mal d'argent, le roi d'Angleterre, George III, décrète de nouvelles taxes sur les produits importés par les colonies. C'est le Townshend Revenue Act, voté en 1767. Le produit le plus fortement taxé devient le thé.

Un négociant de Boston, John Hancock, décide alors de lancer - avec succès - le boycottage du thé vendu par la Compagnie des Indes orientales qui en avait le monopole : les importations officielles passent de 145 tonnes à... 240 kg au profit du thé de contrebande.

En mai 1773, nouvel épisode de la « guerre » du thé avec la signature du Tea Act, qui permet à la compagnie de vendre son thé dans les colonies sans payer de taxe. Cette loi provoque la ruine de nombreux négociants. La révolte gronde. A Boston, le 16 décembre 1773, trois bateaux remplis de thé sont arraisonnés. Leur cargaison est jetée à la mer.

BOSTON TEA PARTY

Cet événement, connu aujourd'hui sous le nom de Boston Tea Party, est l'un des actes fondateurs de la guerre d'indépendance américaine. John Hancock sera le rédacteur de la déclaration d'indépendance le 4 juillet 1776.

Cet événement n'empêche pas la demande mondiale de thé de croître. Devant l'engouement pour le thé chinois, les besoins de financement augmentent. Pour résoudre ce déficit commercial, les Anglais vendent illégalement de l'opium en Chine en provenance de la colonie indienne : en 1835, l'empire du Milieu compte 2 millions d'opiomanes.

La volonté des Chinois de lutter contre cette drogue provoque les guerres de l'opium (1839-1842 et 1856-1860). Victorieux, les Anglais vont imposer leurs conditions commerciales.

En 1834, la compagnie anglaise perd son monopole. Quinze ans plus tard, les bateaux battant un pavillon étranger peuvent décharger leurs marchandises dans un port anglais. Le prix du thé débarqué à Londres varie en fonction de la loi de l'offre et la demande. Les bateaux arrivés les premiers peuvent ainsi vendre à un prix élevé leur cargaison.

 CANTON À QUARANTE JOURS DE NEW YORK

Ceux de la compagnie anglaise, appelés east indiamen, sont de gros voiliers, lents mais solides, capables de transporter 1 200 tonnes de marchandises. Ils lèvent l'ancre au mois de janvier et arrivent en septembre en Chine. Ensuite le chargement du navire et la route du retour se font en un an. Dans le meilleur des cas, il faut donc vingt mois à un bateau pour partir en Chine et revenir les soutes pleines de thé.

En 1845, des Américains construisent un voilier très rapide, le clipper Rainbow. Il relie New York à Canton en cent deux jours, battant de deux semaines le temps de trajet habituel. Le 3 décembre 1850, un clipper américain, l'Oriental, débarque son thé à Londres après quatre-vingt-dix-sept jours de trajet. Trois fois plus vite qu'un vieil east indiamen.

Puis, l'ouverture du canal de Suez et l'utilisation de l'acier dans la construction des navires mettent Canton à quarante jours de New York.

Au XIXe siècle, la Chine perd son monopole. Les théiers sont introduits en Inde dans les années 1830. Le manque de main-d'oeuvre qualifiée et une résistance au changement font que la greffe a du mal à prendre. Il faut attendre les années 1880 pour que le thé indien s'impose dans la théière anglaise.

A partir des années 1860, la folie du thé s'empare du monde. On essaie d'en planter partout. Parfois avec succès, comme en Afrique australe ou au Brésil, mais souvent sans, comme en Californie ou même en France. Les plans de café de l'île de Ceylan, alors sous la Couronne britannique, se trouvent dévastés par une maladie dans les années 1870.

 EN 1871, THOMAS LIPTON

Les fermiers se reconvertissent avec succès dans la plantation de thé. De 1880 à 1884, les exportations vers la Grande-Bretagne sont multipliées par vingt.

Le thé poursuit sa conquête du monde. A la fin du XIXe siècle, le thé vert est apparu dans les tasses du Maghreb. Cette boisson sera vite adoptée par la population musulmane, jusqu'à en devenir le symbole de l'hospitalité.

En 1871, Thomas Lipton (1850-1931) monte une épicerie à Glasgow. Il met en place des campagnes publicitaires qu'il a pu observer aux Etats-Unis. Le succès est au rendez-vous. Neuf ans plus tard, il ouvre son vingtième commerce. Dans les années 1890, il en possède plus de trois cents.

A cette époque, il réalise un voyage en Australie. Une escale à Ceylan va transformer sa vie. Il rachète cinq plantations en faillite. Le thé est destiné à être vendu directement dans ses épiceries. Les intermédiaires sont supprimés. Le slogan est tout trouvé : « Direct from the tea gardens to the teapot » (« Directement des plantations à la théière »).

Le succès devient vite planétaire. En 1972, Lipton est racheté par la multinationale Unilever. Depuis, le processus de mondialisation se poursuit inexorablement.

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